Non les hommes ne sont pas plus libres. J’aurais
Non les hommes ne sont pas plus libres. J’aurais donné n’importe quoi pour la retenir cette jolie fée. Pour l’emmener dans mon propre univers. Pour que ce soit à moi qu’elle raconte des histoires. Pour que je lui en raconte moi-même. Mais ses yeux ne s’allumaient que pour un conte bientôt achevé. Je n’avais aucun rôle à jouer dans ce conte-là et toute nouvelle histoire commencée aussi tôt en aurait pris forcément la couleur, les racines.
Alors je n’ai rien dit. Ou plutôt rien tenté. J’ai cessé d’aller l’écouter le soir au cimetière. J’ai espacé puis arrêté totalement mes visites à la librairie. Et je pensais qu’elle était partie. Lâchement je l’espérais même.
J’avais décidé de rester un moment sur les terres de ma naissance, d’y puiser des forces, de m’y établir peut être. J’épaulais de plus en plus mon vieux père à l’auberge, qui était reconnaissant de l’aide. Même si l’établissement ne brillait plus de sa gloire d’antan, et que la saison d’été ne faisait jamais salle comble, je retrouvais avec bonheur cette ambiance des soirs d’avant-première. Ces soirs de veillée, qui rassemblent chanteurs, rumeurs, qui voient les spectacles de l’année se préparer, s’entraîner, tester, de voir les histoires naitre, se défaire, se modifier.
Les soirées raccourcissaient depuis quelques semaines quand mes pas m’ont ramené au cimetière. Le temps était très orageux, le vent et les premières gouttes chaudes tombaient déjà quand je suis arrivé aux grilles de la ville des morts. Il y avait beaucoup moins de fleurs sur la tombe. Le vent balayait les vestiges des attentions fanées, la pluie lavait la poussière de l’été. Et là, dans un coin. Une silhouette sombre. Etrangement silencieuse, contemplait la scène en débâcle.
La dernière fois que je l’ai vue il pleuvait. Une pluie drue, lourde, de ces rideaux qui vous trempent de leur bruine même quand vous êtes à l’abri.